Dimanche 31 mars

Sabine et moi avons remarqué avec soulagement que nous passions plus de temps avec les thérapeutes qu’avec les médecins, et que nos trajets vers l’hôpital allaient en se raréfiant. Le frottement du tube de gastrostomie entre la peau et la paroi stomacale favorise l’émergence d’une petite corole rose de muqueuse gastrique. Il faut l’éliminer selon un protocole très méticuleux auquel nous sommes à présent habitués, mais Isaline n’aime pas trop l’ambiance de la salle des pansements, et elle redoute toujours d’être immobilisée. Un gel anesthésiant apposé une heure avant l’intervention nous rassure sur le fait qu’elle n’a pas mal quand on brûle cette petite muqueuse avec du nitrate d’argent, mais on ne peut jamais être certain qu’elle ne ressent absolument pas le produit. Ce soin est maintenant fait à la maison par une infirmière de l’HAD (hospitalisation à domicile).

Ça ne parait rien de l’écrire, mais Isaline n’a plus vomi depuis le 11 mars, ce qui constitue le record toutes catégories. Sa diversification alimentaire est en bonne voie, elle mange ce que nous mangeons mais en purée. Viande hachée, épinards, pommes de terre ou cabillaud, tomates, brocoli sont quelques exemples. Ce matin elle a même mangé un peu de madeleine imbibée d’eau! Sabine s’est procuré des « grignoteurs », une sorte de filet clos facile à manier que l’on garnit de fruits à pulpe ou de purée épaisse qu’Isaline peut suçoter et mâchonner, histoire de retrouver quelques sensations et quelques automatismes. La vidéo que nous postons fait figurer notre héroïne aux prises avec une fraise – elle détestait les fruits rouges, mais sa deuxième rencontre avec eux semble lui convenir. Vivement les framboises et les cerises du jardin !

Isaline va aussi reprendre le chemin de son ancienne école. Accompagnée par sa physiothérapeute elle participera pendant une heure (pour commencer) aux activité le vendredi matin. Même si elle restera assise entre les jambes de sa physio, elle pourra se mêler aux élèves de son jardin d’enfants dans lequel elle avait passé deux matinées à la fin du mois d’août et qu’elle connaissait très bien. Chaque enfant a son casier, son bac à pantoufles et son porte-manteau marqué d’un symbole. Celui d’Isaline est le chalet, et elle a encore sa photo collée sur le panneau et ses affaires là-bas, à côté de celles de son grand frère. Elle avait tout de suite repéré le symbole d’une camarade et m’avait dit le matin de son accident en pointant un petit carré de bois brun marqué d’un grand rond jaune en étoile : « soleil ». Sabine et moi nous réjouissons de lui montrer cette petite carte dans le corridor de l’école à nouveau, comme une transition.

Les ballades dehors se font de plus en plus longues à mesure que le Printemps réchauffe la fin des après-midis. La poussette biplace fait un tabac, Aymeric et Isaline sont trimballés de concert, et enchantés des suspensions de l’engin sur l’herbe et les graviers. C’est bientôt Pâques. Et on veut croire aux miracles.