Le 16 avril 2025

Belle quinzaine de Printemps pour Isaline. Après les séjours d’entraînement en Angleterre, on est toujours avides de commentaires quant aux changements observés par ses thérapeutes et institutrices qui la retrouvent après 3 semaines d'absence.

Il est manifeste qu’Isaline a pris beaucoup d’aisance pour ce qui concerne les mouvements de sa main gauche depuis l’assiette jusqu’à la bouche, fourchette en main. À force d’entraînement et de patientes explications, nous arrivons à une quasi autonomie si tant est qu’elle doit manipuler des textures qu’elle peut à la fois accrocher à ses couverts, et mâcher pour avaler. Nous avons toujours eu du mal avec les fruits rouges qu’elle répugne, même avant son accident, et elle se méfie de tout ce qui ne se désintègre pas, c’est-à-dire les crudités. Faudra essayer un sugus une fois, pour voir un peu ce qu’elle va en faire. Elle a déjà eu des sucettes rondes en bouche, mais jamais la texture collante et molle d’un sugus qui viendrait coller aux dents. On va demander à sa logopédiste si c’est faisable et on filmera un peu comme on l’avait fait la première fois qu’on lui avait fait goûter du citron, parce qu'elle va un peu peiner avec sa langue dans des recoins reculés. Au besoin on lui filera un coup de main.

Nous avons aussi pris la décision de ne plus lui mettre de couches. C’est un peu plus fastidieux parce qu’il faut se rappeler de lui proposer d’aller aux toilettes à peu près toutes les heures, et elle n’est pas encore fiable dans ses réponses – on y va pas mal pour rien, parce que nous pensons qu’elle aime bien changer de pièces, mais ce n’est pas le contexte ni l’objectif... Elle prévient assez souvent, ce qui est positif, et ça commence à prendre forme. Il y a de moins en moins d’accidents. Mais si elle s’amuse ou qu’elle est aspirée dans un occupation, elle oublie de demander.

Ses phrases pulsées sur son écran se densifient; on a parfois dans un ordre encore un peu incertain une demi-douzaine d’indications circonstanciées à propos de ce qui s’est passé à l’école, ou du temps qu’il fait. Chaque page de son interface est indexée et elle a accès a un peu plus de vocabulaire grâce à son aisance gestuelle toujours un peu plus précise, surtout pour ce qui concerne le bout des doigts et les tapotements. On peut programmer les écrans pour qu’ils ne reprennent vie qu’après 3 secondes après une première impulsion au même endroit. Nous voulons qu’Isaline ait une façon homogène de s’adresser à ses vis-à-vis mais c’est très difficile d’instaurer une pratique commune, parce que comme elle est pratiquement non verbale, on ne s’adresse que très peu à elle quand il ne s'agit pas d'injonctions.

Isaline, parce qu’elle ne marche que très peu, a encore des gros réflexes d’agrippement avec ses orteils, qui se recroquevillent trop facilement dès qu’un élément vient en contact avec ses plantes de pied. Nous entreprenons donc une désensibilisation de ses pieds en y apposant un peu sur toute la surface possible des objets qui vibrent, et en lui faisant des massages prononcés. Nous avons aussi monté la « shaky plate » dans le salon, cette plateforme qui oscille lentement ou vraiment vite, et sur laquelle on peut se tenir assis ou debout, pour améliorer tout ce qui ressort du « vestibulaire », parce qu’Isaline manque de repères visuels et d’équilibre.

Pour l’instant on est dans le « faire ». Un jour viendra on devra mettre la gomme sur le « dire » mais il n’y a pas suffisamment de contrôle des lèvres ou du souffle pour que ce soit intéressant pour elle. Avoir conscience de ses progrès et plus satisfaisant que de s’évertuer de bonne grâce à essayer de répéter un truc. D'ailleurs je pense qu'Isaline est convaincue qu'elle parle, mais entre ce qu'elle imagine prononcer, et ce qui sort de sa bouche, il y a pour l'interlocuteur une marge de manoeuvre assez large pour répéter ce qui aurait pu être énoncé.

Fais plein de trucs, Isaline chérie.