Mercredi 15 mai

Les journées se suivent et se ressemblent, ce qui pour le coup est réjouissant. Cette quinzaine fut une période de recomposition. Isaline a été malade et a été pesée le 26 Avril un peu moins que son poids de sortie d’hôpital il y a 6 mois. Nous voulions être certain que c’était conjoncturel et on a été très diligents sur la préparation et la composition des repas pour la requinquer. Après un peu d’application et la fin des antibiotiques, on a retrouvé la courbe des 75%, qui était la sienne depuis sa naissance, et on ne se fait plus trop de soucis; nous pensons même interrompre l’alimentation nocturne dans les prochains jours, pour la laisser s’auto-réguler. Cela améliorera certainement la qualité de son sommeil, dont les fonctions cérébrales sont très dépendantes. Son incision n’a pas nécessité d’intervention depuis maintenant 10 jours. Est-ce que le don de coupe-feu de la fille du réflexologue un peu magnétiseur y est pour quelque chose ? Est-ce l’Opium ? Cogito ergo sum ?

On connaissait l’été indien, on redécouvre l’hiver indien; les saints de glace ont bien porté leur nom et nous ont donné l’occasion de sortir une turbulette pour les nuits redevenues froides. Pas fraîches; froides. Lorsqu’elle est fatiguée, elle a tendance à faire gigoter sa jambe gauche et à se projeter en arrière à intervalles irréguliers. Cette sorte de drap SNCF avec une belle fermeture éclair qui remonte jusqu’au bas du menton la gaine et l’apaise quand on la couche, c’est une trouvaille et une amélioration sensible.

Aymeric avance vite. À bientôt 6 mois, il s’amuse avec son frère et sa sœur. Il se tient déjà assis et lance des « tatatata » qui enchantent la maisonnée. Isaline l’observe avec intérêt, et s’aventure parfois à lui tripoter le bout des doigts ou tente de l’éborgner histoire de voir un peu l’effet produit. On s’en émeut à double titre : elle tend le bras à hauteur de sa vue, et elle dirige ses doigts consciemment. C’est le fruit du travail des physiothérapeutes qui poursuivent en guidance le parcours cognitif des contemporains d’Isaline et répliquent avec elle les gestes de la vie courante qu’on ne pense plus à lui apprendre, parce qu’on les fait pour elle à la maison. C’est ainsi que nous avons lu dans ses rapports qu’elle apprenait à enlever son pull en tirant son col vers le haut derrière sa tête, ou qu’elle préférait à présent tenir sa cuillère. Heureusement que les thérapeutes sont là, ils nous rappellent qu’Aymeric et Isaline ne sont absolument pas au même point, et qu’Isaline a besoin qu’on l’envisage comme une fille de son âge. L’absorption est impeccable, la restitution est très amoindrie. Quand on l’intègre, on redevient parents.

Ce matin, l’enseignante est venue à la maison avec un memory un peu particulier. Isaline devait trouver « le même que » alors que les images n’étaient pas rigoureusement identiques; c’était plutôt un classement par semblables, une sorte de catégorisation. Elle a compris l’exercice et s’est bien amusée. Hier elle a trié par couleur. Demain, qui sait…