Mercredi 31 mai

Il nous manque un rapport de quinzaine… Entre les « t’avais dit que tu le ferais » et les « les vidéos sont sur ton téléphone », et un retour d’Isaline le 20 Mai avec Oma et Sabine sachant que j’étais déjà rentré depuis le 5 pour prendre la garde des garçons, on a oublié le dernier rapport… Désolé… Alors double dose cette fois-ci !

Isaline a voyagé avec ses parents comme une papesse pendant 8 heures entre Genève et Waltham, à l'Ouest de Boston, pour arriver un Vendredi soir, fraîche comme une pêche, mais confrontée à 6 heures décalage horaire à engloutir avant de rentrer dans le vif du sujet.

Sabine avait prévu un week-end d’animations autour de Boston pour meubler et s’acclimater. Nous nous sommes naturellement réveillés à 3h du matin pendant 4 jours, et avons écumé la ville et ses alentours pour découvrir le cadre de vie des trois prochaines semaines. La plage de Revere, l’aquarium et le musée des enfants avec ses attractions très bien faites et sa surfréquentation ont été des cibles de choix.

Nous avons élu domicile dans un appart-hôtel plutôt bien situé entre le supermarché et le centre d’habilitation. Isaline a pu marcher des kilomètres dans les couloirs, et se mettre au diapason de son nouveau rythme.

Comparé à Barcelone, le centre était plus conséquent, mais c’est l’agencement des séances qui fait l’intérêt du stage ciblé et répétitif. Isaline s’est fait un foncier à raison de quatre ateliers par jour, chaque atelier durant une heure. Sa journée commençait à 10h et terminait à 14h30, avec une demi-heure pour le déjeuner à midi. Le très gros point positif de l’organisation NAPA fut qu’Isaline a eu un référent par atelier, et a donc pu prendre des habitudes et créer du lien avec chacune des quatre intervenantes.

Kate s’est occupé de faire fonctionner les réflexes d’équilibre en station debout, avec tout l’attirail DMI-Medek. Grosso modo, c’était du step au moyen de caisses en bois connectées avec des points de pression sur les pieds plus ou moins répartis pour faire prendre conscience que c’est par le pied qu’on trouve la stabilité.

Avec Sasha on rentrait dans le vif du sujet, on s’équipait du neuro-suit qu’on allait garder jusqu’à 13h30. Le Neuro-suit connecte toutes les grosses articulations du corps au buste et aux hanches par des élastiques et facilite la prise de conscience d’une intention de mouvement dans l’espace par rapport aux autres membres. Si Isaline pliait le genoux, il y avait des interactions au niveau du torse et de la hanche, et la gaine et le gilet lui signifiaient que c’était bien le genou qui se levait. Sur le plan le la proprioception, c’est à la fois ingénieux et basique, mais c’est exactement ce dont Isaline a besoin, et à haute dose.

Sasha a fait travailler Isaline à genoux les fesses relevées. Elle lui a fait ramasser des doudous avec une main active et la main qui ne partait pas par terre posée sur un banc pour prendre appui. Il lui a fallu aussi prendre des balles lourdes à sa droite pour les déposer à sa gauche et vice-versa. Isaline a aussi été initiée au mouvement du tir à la corde, un corps pesant au bout d’une corde de 10 mètres. Pour le ramener à soi, il fallait attraper la corde main ouverte, serrer, tirer, lâcher, croiser les mains devant, ressaisir la corde de l’autre main, etc… Pas facile pour Isaline. Mais elle tire bien, même encore derrière l'oreille, parce que c'est amusant.

Après ces deux heures d’aérobic et d’haltérophilie on déjeunait dans une grande salle ouverte fréquentée par toutes sortes d’autres petits patients, plus ou moins éveillés, plus ou moins bruyants, et plus ou moins enthousiastes de se trouver là. Nous préparions et mixions les déjeuners le matin et déjeunions sur place pour qu’Isaline soit efficace, parce que 30 minutes après, c’était cross-fit.

Michaela utilisait une plaque vibrante pour la position debout en descente et la position du déclenchement de pompes. Elle faisait pousser des gros blocs avec les mains devant, et demandait des accroupis debout qui ont été du meilleur effet pour la posture et la tonicité. Et une heure après ce traitement de faveur, Isaline pouvait prendre son dessert avec Chelsea pour travailler des mouvements de bouche, et attraper la fourchette toute seule ou manger avec les doigts pour enclencher l’autonomie à table. On a beaucoup mastiqué, aspiré, tiré la langue, et piqué des petits trucs avec les fourchettes.

Ensuite c’était repos des guerriers. On rentrait à l’hôtel jusqu’à 16h en temps calme, et on ressortait pour prendre l’air ou faire quelques achats. J’ai participé pendant une semaine à ce manège infernal mais très efficace et totalement adapté, avant de croiser Oma au milieu de l’atlantique; elle m’a relevé pour les deux semaines restantes auprès d'Isaline cependant que s'organisait avec les garçons un début de Printemps qui s’est avéré plus froid qu’escompté, et masculin à souhait, parce que j’ai dû dormir sous la tente dans le jardin le soir même de mon arrivée pour leur faire plaisir... Re-jet lag, mais à la guerre comme à la guerre.

Isaline et Sabine ont enquillé sur leurs deux semaines restantes avec Oma au soutien logistique. Oma a réclamé un diplôme de sherpa à son retour. En effet, le gros suburban contenait à grands renforts d’imbrication la chaise et le rifton, mais cela fait au bas mot 60kg de matériel qu’il fallait charrier à la moindre occasion, sans parler d’Isaline elle-même, qu’il fallait aussi installer dans la voiture. Tout le monde est rentré vanné, mais dans une forme olympique.

Pour ce qui concerne Isaline, ces stages physiques sont justifiés par le fait que la doctrine concernant l’aptitude au mouvement a changé dans les années 80. Les thérapeutes des années 60 considéraient les mouvements des paralysés ou des neuro-déficients comme inutiles parce que le cerveau ne parlait plus aux membres. C’est quand j’ai lu la théorie de l’évolution et que j’ai appris que les membres ont créé le cerveau pour mieux coordonner leurs efforts respectifs dans le but du déclenchement de la récompense que j'ai vu l'intérêt de cette approche physique. Un corps sans cerveau est tout aussi démuni qu'un cerveau sans corps. La médecine a aussi pris conscience de l’importance des membres pour le cerveau, parce qu’on considère souvent que le cerveau n’est pas à proprement parler partie du corps, alors qu’au contraire, c’est le corps qui s’est organisé pour créer cette boîte de pilotage afin qu’elle soit à son service. Faire marcher Isaline, c’est aussi soigner son cerveau par un retour d’information peut-être partiel, peut-être brouillé et emmêlé, mais à force, cela viendra. Une approche top-down: penser qu'on marche, et pour le bottom-up, marcher pour imprimer la pensée de cette imbrication d'actes et de réflexes participe évidemment de son apprentissage, mais elle n'est pas tétraplégique. Ce devrait être plus simple et plus rapide: elle est "juste" très emmêlée dans ses directives intérieures.

Isaline, Sabine et Oma sont rentrées le 20 Mai après un voyage de nuit qui n’est jamais confortable. Depuis son retour, les observations concernant Isaline sont positives; elle a indéniablement pris l’ascenseur en maintien de soi, et paraît mieux consolidée dans sa jolie personne.

Par ailleurs, nous avons eu confirmation à son retour qu’elle avait été acceptée dans la nouvelle école, au programme plus exigeant et à la cohorte d’élèves moins abimés par la vie, ce qui va élargir son champ des possibles. Nous sommes un peu catastrophés de devoir aller « en ville » tous les matins de classe, connaissant le chaos que représente la circulation en ville de Genève, administrée par les citadins pour les citadins qui oublient sciemment ceux qui doivent quand même venir en voiture, et prenant le malin plaisir de dissuader l’automobiliste en le pénalisant par tous les moyens possibles. Sans doute prendrons nous le CEVA pour ne pas subir les diktats écologistes et le non-sens persistant de la mobilité qui rend fou à défaut d’être douce.

Première visite de l’école de La Roseraie planifiée avec Isaline pour le 5 Juin.

Une vraie rentrée des classes à 6 ans pour la fin Août

Ça se met en ordre, Isaline chérie.

A la plage, les 3 mousquetaires, tour en manège

Isaline fait l'andouille, le wall of fame, remise de son diplome NAPA

Un exercise DMI

Le neurosuit: