Samedi 15 décembre

Isaline se rétablit d’un début de mois exténuant, et retrouve depuis le 12 Décembre un semblant d’équilibre. Sur l’image, chaque colonne est un jour, chaque case est une demi-heure, et chaque case rouge correspond à un vomissement. Isaline nous a tenus en haleine parce qu’elle s’étouffe en fin de convulsions avec des reflux épais qu’il faut l’aider à évacuer, autrement elle les avale de travers lors de ses reprises de respiration et elle risque l’étouffement. Son manque de motricité la handicape lors de ces évènements qu’on croyait aller en se raréfiant, mais qui se sont intensifiés pour une raison qu’on n’a pas su prévenir. Pour l’aider, on s’est aventurés à mettre les doigts mais elle mord super fort à présent, alors on a trouvé la parade en collant le tuyau souple de sa machine à moucher sur les côtés de ses joues pour aspirer et l’aider à se débarrasser de tout ce produit physiologique qui doit normalement rester logé dans son petit estomac. La période de perturbation a été subite après un mois de Novembre prometteur. Depuis quatre jours et une initiative de diminution du « Levetiracetam », on rentre dans le rang à force de patience, d’accompagnement, et d’essais plutôt réussis côté « Optifibre » et « Movicol », mais elle continue à ne pas savoir tenir 48 heures sans vomir. Le goûter de ce soir n'a pas tenu.

Aymeric est un petit gars ultra sympa. Sabine allaite; il ne pose aucun problème et c’est inimaginable de le voir si petit et déjà si leste comparé à sa grande sœur, qui se donne tout le mal du monde pour restituer des mouvements minuscules, mais si importants à entretenir. Sabine et moi laissons un début de mois de Décembre agité et angoissant en accueillant trois belles nouvelles qui concernent Isaline.

D’abord, on va réduire sa dose d’antiépileptique de trois-quarts pendant une semaine, et observer, avant, nous l’espérons, un abandon total de ces molécules qui altèrent évidemment le métabolisme, et sont sans doute responsables de notre début de mois de Décembre après saturation. Ça fait un peu plus de 100 jours qu’Isaline est sous le même protocole, il faut évoluer avec elle et tenter de lui faire confiance côté rétablissement cérébral et neurologique.

Ensuite, et ça parait trivial mais nos bonheurs sont peu de choses en ce moment, on lui a donné un bain hier soir. Cela fait six semaines que sa gastrostomie est en place et qu’on lui faisait des toilettes de chat au gant, allongée sur son plan de change. Nous nous réjouissons d’utiliser le matériel que les ergothérapeutes ont apporté pour la laisser immergée et maintenue dans l’eau – elle ne tient toujours pas sa tête. Elle fait près de 14 kilos, c’est costaud de la savonner dans une baignoire à même le sol, et de l’en extraire. J’ai pris mon bain avec elle hier, impossible de sortir de l’eau... Il faut deux adultes, ou le transat aménagé quand on est seuls.

Et enfin, on a rendez-vous non plus le 26 mais le 22 Janvier pour changer son dispositif ventral et apposer une valve beaucoup plus discrète et ergonomique. On va la mettre sur le ventre et la porter contre soi sans des contorsions au niveau du genou pour ne pas lui faire mal, le petit robinet saillant en ce moment est tout de même volumineux et douloureux si on le bouge ou si on tire malencontreusement dessus. Mais surtout cela permettra de tenter de la redresser et de la remettre à la verticale dans des dispositifs adaptés. Pour l’instant, c’est proscrit parce qu’elle ne peut absolument pas faire de pression sur une paroi en tombant en avant. Bientôt… elle remettra le pied par terre.

Nous avions un tiercé : marcher, mâcher, parler. On s’est rendu compte qu’il était trop ambitieux, on l’a transformé en quarté : porter sa tête, sourire, avaler, soupirer.

Sourire a clairement gagné. On interagit sympathiquement, et elle éprouve même après ses cours de bricolage et de dessin un peu de fierté. Le personnel éducatif guide évidemment ses mains, mais Isaline n’est que ralentie - pas retardée, elle comprend très bien. Elle restitue mal et doucement, mais elle se rend compte de tout. Alors quand on dit qu’elle a fait un bonhomme en triangle et qu’il a une barbe et des grands yeux, elle est toute heureuse et communique en regardant tout le monde avec un grand sourire

Soupirer arrive second. Elle laisse s’échapper par bribes un peu de son, parfois bouche ouverte, et s’ingénie à en faire de même en inspirant, pour tester.

Avaler court encore avec tenir sa tête, on ne peut pas considérer qu’ils sont arrivés. Pour avaler, il faut d’abord commencer par ne pas laisser s’échapper la moitié de la cuillerée par test, oubli, désintérêt notoire, ou par amusement. Isaline, qui n’en peut plus du yaourt vanille et de la compote de pomme, s’est découvert une passion pour notre bouillon de poulet maison et les crèmes caramel.. Un peu de maltodextrine pour épaissir le bouillon et zou, le salé est plus plaisant que le sucré. Elle n’a jamais été fan des fruits de toutes façons.

Tenir sa tête viendra avec un entrainement ciblé quand le nouveau système d’alimentation sera en place. On la mobilisera mieux, et elle pourra s’organiser pour gérer ses bras, son regard, sa tête, et toutes ces informations qu’elle doit à nouveau disséquer et absorber pour un jour vivre debout.

Chaque jour est une victoire, Isaline chérie.