Samedi 15 juillet

« Oui ». Prononcé très lentement en commençant par le phonème « o », comme quand on voit quelque chose de très surprenant en pointant du doigt, et en transitionnant doucement vers le « i » de Isaline comme quand on doit se brosser les incisives le soir avec plein de dentifrice à la fraise autour des lèvres, ou qu’il faut sourire devant un objectif braqué vers soi et immortaliser un instant qui le mérite.

De mémoire de parent, c’est la première fois qu’Isaline réalise quelque chose qu’elle n’avait pas encore acquis avant le 31 Août 2018 :  elle a dit très lentement et distinctement « oui » en s’écoutant. Il faut dire qu’elle avait la paix. Ses deux frères ont rejoint durant la semaine dernière un camp multisport dans la commune d’à-côté en retrouvant des copains de l’école. Cela nous a permis de lui consacrer du temps sans qu’elle ne soit engloutie par la vivacité des garçons, ni contrainte par un agenda collectif. Et ça lui a fait beaucoup de bien.

Nous devons à présent chercher à valoriser le temps d’Isaline de façon toujours plus constructive et systématique en prenant l’occasion de chaque possibilité trouvée pour introduire un concept ou une observation qu’elle pourra ruminer dans son espace-temps, et restituer quand bon lui semblera. Comme il est indéniable qu’elle emmagasine, l’exercice n’est jamais vain.

Du côté de la motricité, l’autonomie alimentaire se dessine. Isaline empoigne maladroitement ses couverts et vise toujours un peu aléatoirement, mais l’intention se dessine toujours plus clairement. Quand elle approche ses deux main hésitantes avec un pouce rentré vers la paume et quelques doigts encore repliés vers des verres d’eau remplis et qu’elle s’en empare pour les porter à ses lèvres et renverser le contenu sur ses cuisses ou sur son torse avec la bouche ouverte, on mesure l’immense promesse du temps. À force, c’est fatal, ça va s’améliorer, mais on n’y est pas vraiment. L’outil de coordination et d’agencement doit encore faire beaucoup d’ajustements. Faire en guidance, essayer, réessayer, et un jour, ça le fera. Surtout que Sabine fait de la gymnastique labiale et linguale tous les jours avec des trucs qui vibrent ou qui se baladent. Isaline doit aussi pincer avec les lèvres mais sans les dents. Elle résiste toujours un peu mieux en pinçant. Et elle mâche bien.

Les visites aux toilettes sont plus nombreuses. Pas toujours concluantes, mais le ratio des visites « concluantes » est en hausse. Il est toujours difficile d’établir si Isaline nous indique avoir déjà fait à l’instant, ou si elle veut faire, ou si elle raconte qu’hier elle a fait… De toutes façons, dans le doute on l’installe. Parfois à sa demande, parfois inopinément. C’est une habitude à prendre pour qu’un jour on puisse ne plus lui mettre de couches.

La patouille se fait plus inventive. Un peu avant le goûter chaque jours, on reprend le slogan d’un célèbre groupe lessivier « dirt is good ». Sabine a fait de la gelée à la pêche et Isaline s’est bien amusée à l’écrabouiller. Elle s’en est passé comme de la crème solaire, assise sur une toile cirée au milieu de la pelouse. Elle a fini par se lécher les genoux. Pour le coup de l’amidon mélangé à l’eau, soyeux et un peu glaise, Isaline n’était pas fan. On a fini par doucher une curiste pleine de boue séchée un peu dégoûtée par le mélange.

La plaque vibrante vrombit chaque matin. On répète les exercices de Boston pour muscler et stimuler. Les garçons ont le droit aussi de se faire remuer. Isaline monopolise 4 mains, deux sur les hanches, et une par pied à guider ou à assurer. Et après cette séance de power plate, on la pose harnachée à son « rifton » sur un tapis roulant basique et roule ma poule pendant 15 minutes

Vive l’été, Isaline chérie.