Vendredi 1er mars

Isaline change. Notamment de coupe de cheveux. Tout va dans le bon sens. Elle connecte mieux, elle anticipe intellectuellement, elle a tendance à trouver les choses drôles, et elle contrôle un peu son auditoire. L’élément positif le plus flagrant est son port de tête dans son siège de voiture; on n’échappait pas à des complications jusqu’à récemment, et il semble qu’elle a repris la commande de l’inclinaison volontaire de son menton vers la poitrine sans pour autant systématiquement plonger du nez vers le nombril. On se met à songer à faire un peu plus de kilomètres tous ensemble pour changer de cadre ou varier les destinations.

Nous avons scindé notre bloc habituellement très compact ces quinze derniers jours. Sabine et les deux garçons sont partis cinq jours chez Oma dans les montagnes valaisannes, me laissant en base arrière avec Isaline, et je rentre de quatre jours de pistes bernoises enneigées sous un soleil un peu trop fort pour être honnête avec Ernest. Quitter Isaline pour la retrouver quelques jours après donne un léger aperçu de l’étonnement qu’éprouvent nos familles et nos proches qui la voient à intervalles plus espacés, parce que ses progrès sont constants.

Pour aider à sa coordination et bonifier sa compréhension, nous nous sommes équipés d’une machine enregistreuse de messages vocaux utilisée dans le cadre de sa scolarisation adaptée. Isaline choisit en insistant lourdement avec les yeux sur tel ou tel concept proposé. C’est ainsi qu’elle avait le choix entre quatre couleurs de gros champignon, et qu’elle a pris le jaune. La machine n’est pas sans rappeler le buzzer de question pour un champion. En mode enregistrement, on presse au début et à la fin d’une bribe de phrase, et en mode restitution, chaque bribe de phrase prononcée défile au fur et à mesure qu’Isaline tape sur le buzzer. Ça donne des chansons un peu hachées, et en prononçant « et c’est fini » à la fin, on matérialise une fin. Libre à elle de reprendre depuis le début ou pas.

Par modernité, les messages entre l’école et nous sont enregistrés selon cette modalité, et c’est Isaline qui, à la fin de ses journées d’apprentissage, tape sur le champignon jaune et nous informe, par la voix de son éducatrice, des principales étapes de sa journée. C’est un super exercice pour ses bras, parce qu’il faut alterner, et c’est assez ludique. Sauf qu’Isaline n’a pas toujours envie de nous raconter sa journée et refuse parfois simplement de presser le champignon!

Isaline repasse devant le Neuropédiatre le 7 mars pour qu’il puisse juger, avec des échelles et des termes médicaux, de l’avancée de ses capacités. Personne n’a de mode d’emploi ni de calendrier. Isaline est extraordinaire, et nous commençons à l’intégrer. Nous aurions voulu qu’il en fût autrement, mais pour paraphraser la formule un peu énigmatique d’une gentille dame : « elle paye d’avance ». Son état n’étant pas figé, il faut de la patience, et beaucoup de recul. Chaque jour apporte sa surprise et sa réjouissance et c’est là-dessus qu’il faut s’attarder. Plus facile à écrire qu’à faire, mais on se discipline.